points de vue que je viens de citer. Sous le même point de vue, l'on a continué,
dans différens pays de l'Europe, d'en former de semblables, et on le fait encore
actuellement. Il en est résulté que les coquilles sont devenues un objet de
commerce, et un sujet de spéculation pour les négocians voyageurs ; le prix
extrêmement élevé par les amateurs, de celles qui sont très-rares, soit par leur
espèce, soit dans leur volume et la vivacité de leurs couleurs, y ayant donné
lieu. En cela, les naturalistes y ont beaucoup gagné ; car ils en ont eu
l'occasion d'en observer un grand nombre, dont, sans cette cause, ils eussent
probablement ignoré l'existence.
Autrefois, pour former ces collections, on ne donnoit d'attention qu'aux
coquilles d'un beau volume, d'une forme élégante ou piquante par sa singularité
; on choisissoit surtout celles qui sont ornées des couleurs les plus
éclatantes. Le plus souvent, pour mettre à découvert la belle nacre dont la
plupart des coquilles sont formées, on les mutiloit, on les limoit, on les
usoit, enfin on les polissoit après en avoir fait disparoître les stries, les
écailles, les tubercules, les pointes, et tout ce qui pouvoit servir à les
caractériser spécialement. Quant aux coquilles petites et sans éclat, on les
négligeoit, on les rejetoit avec mépris, et l'on ne daignoit pas leur donner
place parmi les autres, quoiqu'elles fussent nécessaires pour compléter les
séries, lier les familles, et indiquer, par les transitions, la marche même de
la nature mais rien de tout cela n'étoit l'objet qu'on avoit en vue.
Depuis quelques années, les choses ont beaucoup changé à cet égard. On s'est
enfin aperçu que l'étude bien entendue des coquilles pouvoit avoir un but utile,
et devoit contribuer réellement aux progrès de l'histoire naturelle ; on a senti
qu'une collection suivie de ces objets, dans un état convenable, pouvoit
favoriser singulièrement cette étude. Dès lors, au lieu de se borner à
rassembler et placer avec symétrie dans des armoires, des coquilles choisies
d'après leur éclat et leur beauté, on a entrepris de former des suites complètes
de tout ce que la nature nous offre en ce genre, estimant également les objets,
indépendamment de leur taille et des couleurs plus ou moins brillantes dont ils
peuvent être ornés. Quelques amateurs tiennent encore, pour leur collection, à
un choix particulier des objets qu'ils trouvent intéressans : tous au moins
rejettent maintenant les coquilles mutilées par l'art, et n'admettent que celles
en qui tous les caractères sont conservés.
On sait actuellement qu'en général la forme d'une coquille est un indice de
celle de l'animal qui l'a produite,
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