de cette science est arrêtée, solidement fondée : car toute science doit avoir
la sienne, doit cesser d'être le jouet des prétentions rivales, et n'être point
à la merci de l'arbitraire qui, se mettant au-dessus de toute règle, l'anéantit
réellement.
S'il n'étoit question, en histoire naturelle, que de l'art de distinguer les
objets, afin de ne confondre nulle part ce qui est réellement différent, la
philosophie de la science se réduiroit à ce seul but, la considération des
rapports seroit sans objet, tout moyen qui conduiroit au but cité seroit
assurément très-bon ; enfin les systèmes artificiels rempliroient d'autant mieux
la tâche, qu'ils offriroient une meilleure hiérarchie de caractères
distinctifs.
Mais il n'en est pas ainsi : on a, dans l'étude de l'histoire naturelle, des
objets bien plus importans à considérer que l'art des distinctions, et que
l'établissement d'une nomenclature immense et toujours changeante, par
l'arbitraire des considérations que chacun se plaît à employer.
L'étude de l'histoire naturelle nous conduit véritablement à celle de cet ordre
de choses qu'il a plu au SUPRÊME AUTEUR de tout ce qui existe de créer, et par
la voie duquel tout ce que nous observons se trouve réellement produit ; elle
nous conduit à la connoissance de la Nature ( V. ce mot ), à celle de ses lois
diverses. Certes cette connoissance est pour nous d'un bien grand intérêt ; car
elle nous montre la source des phénomènes que nous observons de toutes parts ;
elle rectifie nos idées sur une multitude d'objets qu'il nous importe de juger
convenablement ; et, nous éclairant sur notre propre organisation, elle seule
nous indique la voie qui peut nous faire connoître la source et la nature de nos
organes, et, de là, les moyens de nous soulager dans nos maux multipliés.
S'il est vrai que tous les corps quelconques soient des productions de la
Nature, c'est-à-dire de cet ordre de choses créé, dont les lois de tous les
ordres sont sans doute l'expression constante de la volonté de son sublime
auteur ; en un mot, s'il est vrai que se soit cette Nature qui ait donné lieu à
l'existence de tant d'objets différens, qui les varie, les détruit et les
renouvelle perpétuellement, le but d'une distribution générale de ces objets
dans nos ouvrages ( nos Systema naturæ ), ne doit pas être de nous offrir
seulement une liste partagée en une multitude de divisions et commode à
consulter ; mais ce but doit être de nous présenter, dans la construction et
dans la disposition générale de la série qui constitue cette liste, un ordre
représentant, le plus possible, celui même de la Nature, c'est-à-dire celui
qu'elle a suivi en donnant l'existence à ses innombrables productions. Enfin,
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