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passion quelconque maintient ou accroit encore, affectent tellement l'organe 
producteur de leurs actes, qu'elles y causent des altérations quelquefois 
très-considérables. En effet, l'habitude de fixer notre attention sur certains 
objets, sur certaines idées, lorsque ces objets ou ces idées nous intéressent 
beaucoup, ou nous ont fortement frappés, amène les idées excessivement 
dominantes dont je parle ; et si ces idées sont fortifiées par quelque passion, 
les effets qui en résultent peuvent être portés si loin qu'ils altèrent 
tout-à-fait à la fin notre jugement à l'égard des objets ou des sujets 
particuliers que ces mêmes idées ont en vue. Or, comme cet excès surpasse, par 
son pouvoir, les forces de l'organe en qui s'exécutent les actes d'intelligence 
qui en dépendent, cet organe alors en éprouve des altérations notables, et nous 
cessons de maîtriser notre attention qui se reporte toujours, malgré nous, sur 
les mêmes objets ou les mêmes idées. Le plus foible degré de ce désordre amène 
les manies ; et l'on sait que, parmi les individus de notre espèce, cette 
maladie du cerveau est des plus communes. Mais lorsque, par le concours de 
quelque passion exaltée, le désordre dont il s'agit devient extrême, l'organe 
éprouve, par paroxysmes, des agitations presque convulsives ; et alors se 
forment en nous des visions de diverses sortes qui nous abusent complètement, 
semblent même nous poursuivre, et nous font agir comme si c'étoient des 
réalités. Ces désordres, ces visions ou allucinations sont des espèces de 
délires dont il importe de connoître la source, pour les prévenir ou pour 
travailler à leur curation.
 

On a dit, avec raison, mens sana in corpore sano ; sentence qui exprime une 
vérité positive, savoir : que notre esprit n'est sain que lorsque les organes 
qui nous en donnent les facultés le sont pareillement. Or, le vrai caractère 
d'un esprit sain, dans un individu, consiste à maîtriser parfaitement, dans la 
veille, son attention, ses pensées, son jugement, lesquels actes sont toujours 
alors dirigés par son sentiment intérieur sans difficulté. Dès qu'on est parvenu 
à connoître le mécanisme de la formation des idées, que l'on sait que ce sont 
des images imprimées dans l'organe propre à les recevoir, et qu'il suffit que le 
fluide nerveux agité vienne traverser les traits de ces images, pour leur 
communiquer un ébranlement qui se propage jusqu'au foyer de l'esprit, lequel 
lui-même en étend la commotion légère jusqu'à celui du sentiment intérieur ; 
alors le voile qui nous cachoit le mécanisme des différens actes d'intelligence 
est facile à lever ; le merveilleux à leur égard s'évanouit bientôt ; et les 
plus beaux phénomènes de l'organisa- [organisation] 

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