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Documents sur les auditeurs de LamarckP.Corsi, "Lamarckians" and "Darwinians" in Turin, 1812-1894 (in french)
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Vittore Ghiliani, aux dires de Lessona et Camerano, salua favorablement l'œuvre 
de Darwin, mais il évita de se prononcer publiquement sur celle-ci. Comme 
beaucoup de naturalistes contemporains, Ghiliani vit dans l'œuvre de Darwin une 
confirmation de ses convictions sur la variabilité des espèces, et il ne pouvait 
pas ne pas être d'accord avec son collègue anglais sur le parallèle entre la 
spéciation à l'état naturel et en domesticité, et sur l'importance de l'étude de 
la biogéographie. Le fait qu'on ne pouvait pas ramener la théorie de Darwin aux 
théories de Lamarck ou de Bonelli ne dut pas préoccuper Ghiliani de façon 
excessive dans le grand débat pour ou contre la transformation graduelle des 
formes de vie, le célèbre naturaliste anglais s'était rangé du côté des 
partisans de la transformation des espèces ; et il avait apporté de nouvelles « 
preuves » à l'appui du « fait » de l'évolution. Les divergences possibles et 
probables à propos du rôle de la sélection naturelle en tant que mécanisme-roi 
de la différenciation des espèces n'étaient pas si importantes que cela aux yeux 
de ceux qui - et Ghiliani en était - considéraient que le fait d'être favorable 
ou contraire à l'évolution était le facteur unique et crucial de discrimination 
scientifique et philosophique.
 

S'il est vrai que la pensée du maître trouve souvent son expression dans les 
œuvres de l'élève, nous pourrions dire que les premiers travaux scientifiques de 
Lorenzo Camerano (1856-1917), le plus jeune des « évolutionnistes » turinois, 
reproduisaient les thèmes et les priorités de recherche qui avaient caractérisé 
l'enseignement de Bonelli, les recherches de Ghiliani, et les mémoires 
scientifiques de Lessona. Camerano étudia longuement la distribution 
géographique des amphibiens anoures du Piémont. Dans un mémoire de 1883 Ricerche 
interno alle aberrazioni di forma negli animali ed al loro diventare caratteri 
specifici, le jeune zoologiste insistait sur la nécessité d'examiner et de 
mesurer avec une attention extrême la morphologie des divers individus composant 
une population : dans l'étude de Camerano, réapparaissaient les théories de 
Bonelli sur les variations accidentelles qui peuvent constituer le caractère 
révélant une nouvelle variété ou une nouvelle espèce (34).
 

Michele Lessona, de même que Ghiliani, approuva aussitôt, et avec enthousiasme, 
l'œuvre de Darwin, contribuant même à faire connaître plusieurs écrits de son 
collègue anglais. Lessona traduisit, en 1872, L'origine de l'homme, en 1873, Le 
voyage d'un naturaliste autour du monde, en 1883, La formation de la terre 
végétale. Dans les leçons d'introduction à son cours de zoologie, Lessona 
parlait de l'œuvre de Darwin qu'il considérait comme un continuateur important 
de l'œuvre de Lamarck. Dans une des premières éditions des notes prises pendant 
ses leçons par quelques étudiants, édition non datée, mais certainement 
antérieure à la première édition « officielle » des leçons préparée par son fils 
Mario, Lessona soulignait le caractère nouveau de la solution darwinienne au 
problème des espèces : 

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