L’affirmation de points de vue contraires au “récitatif” consacré commence tout
de suite dès la fondation de la Société de “libre” pensée, telle que l’ont
voulue les fondateurs. Un des premiers à s’exprimer dans ce sens est justement
Constant Prévost, l’inspirateur de Lyell : “S’il est démontré que les phénomènes
géologiques appartiennent à un ordre de choses tout différent de l’ordre
actuel..., si tous les êtres d’une époque ont pu subitement être anéantis et
remplacés subitement par de nouveaux êtres, etc., etc., alors il sera inutile
pour les géologues d’étudier les phénomènes actuels, c’est à leur imagination
qu’ils devront en appeler pour expliquer la formation du sol sur lequel ils
marchent et pour rendre compte des révolutions de sa surface” (“Considérations
sur la valeur que certains géologues modernes accordent à diverses expressions”,
séance du 18 juin 1830, Bulletin de la Société géologique de France, (1), t.1,
1830-1831, p.19-26, cit. p.26).
Son collègue Ami Boué, lui aussi un des fondateurs de la Société géologique de
France, l’homme qui était, selon de Blainville, “le géologue de notre temps
qui a le plus vu et le plus comparé dans l’étude de la géologie positive de
l’Europe” (de Blainville, Ostéographie..., t.IV, Palaeotherium, p.184), assure,
en rendant compte de l’état mondial des études géologiques dans les années
1830-1831, que les “révolutions générales” chères à Cuvier “n’ont pas eu lieu”
(“Résumé des progrès de la Géologie en 1830 et 1831”, Bulletin de la Société
géologique de France, (1), t.2, 1831-1832, p. 198).
Jules Desnoyers, un autre fondateur de la Société, beau-frère de Constant
Prévost, affirme qu’à cette date l’une des “idées philosophiques prédominantes”
qui “paraissent tendre à obtenir l’assentiment général des géologues” est celle
de “la continuation jusqu’à notre période inclusivement des phénomènes de la
plupart des périodes antérieures de tranquillité” (“Rapport sur les travaux de
la Société géologique pendant l’année 1831, Bulletin de la Société géologique de
France, (1), t.2, 1831-1832, p.326).
Etienne Geoffroy Saint-Hilaire , membre actif de la Société, propose à ses
collègues sa vision du passé de la vie, en s’appuyant sur sa connaissance des
fossiles : “à l’occasion de la découverte par lui signalée en Auvergne, de
plusieurs nouvelles espèces de mammifères fossiles, (il) entre dans quelques
détails théoriques sur la manière de concevoir l’organisation de l’ensemble des
animaux. Il considère la production successive des différentes organisations
comme pouvant expliquer l’apparition des êtres de l’ancien monde. Cette
apparition aurait été lente, graduelle, sans secousses, et surtout produite par
des changemens dans les milieux qu’ont habités les êtres organisés, changemens
faibles si l’on compare les êtres de périodes voisines, plus forts si l’on
rapproche les êtres de périodes éloignées”. (Intervention à la Société
Géologique, Bulletin de la Société géologique de France, 1833-1834,(1), t.4,
p.89-90).
Gérard-Paul Deshayes (1796-1875), qui admire les travaux scientifiques de
Lamarck, mais qui ne le suit pas dans ses idées théoriques, défend cependant
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