d’ailleurs notre petit géologue s’appelait ...“Angelot” ! Comme l’on voit, il y
avait dans la Société des partisans de la Création unique, comme de Blainville,
des partisans de Lamarck, comme Boué et bien d’autres, et des partisans de
Cuvier, vivant en bonne intelligence !
Alcide d’Orbigny (1802-1857)- auquel on vient de consacrer un Colloque il y a
quelques semaines (juin-juillet 2002) - était un des “cuviériens” les plus
déterminés, et le faisait savoir à ses collègues : “Les Rudistes ont paru cinq
fois à la surface du globe dans le système crétacé, chaque fois sous des formes
entièrement différentes, sans qu’il y ait de passage zoologique dans les
espèces, ni de transport des individus d’une zone géologique dans l’autre.
Ainsi, les faunes respectives des cinq zones de Rudistes, soit dans des étages
différents, soit dans les couches d’un même étage, ont été successivement
anéanties et remplacées par d’autres tout-à-fait distinctes, ce qui
n’annoncerait, dans cette série d’êtres, aucun passage, ni dans les formes, ni
dans les couches qui les renferment”. (“Quelques considérations géologiques sur
les Rudistes”, Bulletin de la Société géologique de France,(1), t.13,
1841-1842, p.148-161, cit. p.160-161).
Celui qui devait être son successeur à la chaire de paléontologie du Muséum (en
1861, après une vacance de 4 ans) était déjà d’un avis contraire. Adolphe
d’Archiac (1802-1868), dans une intervention à la Société géologique de France,
tire de ses observations la conclusion opposée : “Il me semble bien difficile
d’admettre que lors de tel ou tel soulèvement, toutes les espèces aient disparu
de la surface de la terre, et que la création ait ensuite recommencé sur de
nouveaux frais” (Bulletin de la Société géologique de France, (1), t.14,
1842-1843, p.536-537).
Bien que soutenant, comme on le voit, des idées contraires à celles de son
prédécesseur, Adolphe d’Archiac ne l’a pas dénigré. Il a eu à coeur de rendre
hommage à l’immensité et à la qualité des travaux d’Alcide d’Orbigny. Parmi les
4 ou 5 dizaines de références qu’il fait à ses ouvrages, quand il en vient à sa
Paléontologie française, dont il considère aussi que c’est un “immense travail”,
il fait remarquer que dans le cinquième volume, consacré aux mollusques
bryozoaires, Alcide d’Orbigny, “rentre ici dans le domaine de sa spécialité.
Vers la fin d’une carrière terminée avant le temps, il donne une nouvelle preuve
de cette aptitude particulière qui avait signalé ses débuts dans la science
trente années auparavant” (Rapport sur la Paléontologie de la France, 1868,
p.227). Il y aurait peut-être lieu de revoir la légende (il y en a beaucoup à la
fin du XIXè siècle : il n’y a qu’à penser à celle de Lamarck complètement
oublié!) qui voudrait qu’Alcide d’Orbigny ait été mis en quarantaine par ses
collègues - et même totalement et scandaleusement ignoré par son successeur
d’Archiac, en particulier dans cet ouvrage ! (il aurait suffi de regarder
l’index pour trouver plusieurs renvois à son nom!...). D’autre part il ne faut
pas oublier qu’Alcide d’Orbigny a été élu Président de la Société géologique de
France pour l’année 1843 (400 membres à cette date).
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