Un autre membre éminent de la Société s’exprime encore d’une manière plus
positive en faveur des idées anticatastrophistes et évolutionnistes. Le grand
géologue belge, père de la géologie de son pays, Jean-Baptiste d’Omalius
d’Halloy (1783-1875), s’adressant aux partisans des créations successives,
considère qu’il est “en droit de répondre que les lois de la nature sont
toujours les plus simples possibles, et qu’il est bien plus simple de supposer
que les espèces contiennent en elles-mêmes l’aptitude à éprouver certaines
modifications lorsqu’elles sont soumises à l’action de certaines causes, que de
supposer que pour amener un semblable résultat, la nature a eu recours à des
moyens aussi compliqués et aussi extraordinaires que des destructions complètes
des organismes et de nouvelles créations”. Il “persiste donc à croire” que l’
“hypothèse ... de la modification des êtres vivants... est bien plus en rapport
avec l’état actuel des choses que celles qui supposent que de nouvelles formes
ont apparu sur la terre autrement que par la génération des êtres préexistants”.
(“Note sur la succession des êtres vivants”, Bulletin de la Société géologique
de France, 2, t.3, 1845-1846, p.490-497, cit. p.496-497).
Tout le monde n’allait pas aussi loin, c’est évident. Mais
l’anti-catastrophisme, qui est une étape nécessaire - on ne peut être
évolutionniste si on soutient le catastrophisme cuviérien - devenait une opinion
largement représentée au sein de la Société, même par des membres que l’on a
qualifiés comme des partisans fidèles de Cuvier.
Sans admettre le principe de la transformation des espèces, Elie de Beaumont
(1798-1874) professe cependant celui de la continuité de la vie : “Si la série
des terrains fossilifères était complètement connue, on n’y trouverait nulle
part, entre les fossiles de deux étages immédiatement superposés, une différence
plus essentielle que celle qui existe entre deux étages tertiaires
consécutifs... M. Elie de Beaumont s’est élevé depuis longtemps, soit dans ses
cours, soit dans ses communications à la Société géologique, contre l’opinion
qui regarderait chacune des révolutions de la surface du globe comme ayant
déterminé, non seulement des déplacements, mais encore un renouvellement complet
des êtres vivants... Si quelques parties de la série géologique présentent, en
apparence, des lignes de démarcation paléontologiques complètement tranchées,...
cela provient, dans son opinion, de ce que certaines faunes intermédiaires
...nous sont encore entièrement ou à peu près inconnues... Lorsque les fossiles
de tous les terrains seront complètement connus, depuis le terrain silurien
jusqu’au terrain pliocène, ils formeront peut-être, dans leur vaste ensemble,
une série aussi continue que l’est aujourd’hui la série partielle des terrains
jurassiques et crétacés” (Compte rendu d’un débat au sein de la Société,
Bulletin de la Société géologique de France, 1846-1847, 2, t.4, p.562-563).
Darwin avait bien retenu ce texte (et d’autres) d’Elie de Beaumont : “The old
notion of all the inhabitants of the earth having been swept away by
catastrophes at successive periods is very generally given up, even by those
geologists, as Elie de
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