Maintenant, nous allons faire remarquer que le nombre des vérités, dont la
connaissance nous est indispensable, s’accroît considérablement, à mesure que la
civilisation devient plus ancienne et fait plus de progrès.
En considérant chaque société humaine dans son degré de civilisation, on peut
dire que la somme des vérités dont la connaissance est nécessaire au bonheur des
individus, doit être proportionnelle au nombre des besoins que l’on s’y est
formés. Dans les temps et les lieux où régnait une grande simplicité dans les
besoins, ainsi que dans les jouissances, un petit nombre de vérités bien connues
pouvait suffire au bonheur ; mais dans ceux où l’avancement de la civilisation a
multiplié considérablement ces besoins et ces jouissances, la connaissance d’un
plus grand nombre de vérités devient nécessaire pour prevenir des abus et des
supercheries de tout genre, dans l’état social. Or, dans l’état de civilisation
dont il s’agit, si le nombre des vérités dont la connaissance est nécessaire,
est resté inférieur aux besoins ou n’a pu se répandre ; si ce qui passe pour
connaissance solide dans l’opinion n’est qu’erreur ou n’est qu’un faux-savoir,
le bonheur individuel y deviendra proportionnellement plus difficile et plus
rare. Alors on dira
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