Les élèves de Lamarck : un projet de recherche.
Dans la communication "Célébrer Lamarck" (ce volume, p. 51), on a constaté que
les mythes sur Lamarck véhiculés par une longue tradition historiographique ont
souvent conditionné, et d'une façon radicale, les lignes de recherche sur sa vie
et son oeuvre. Le parti pris d'origine cuvierienne faisant de Lamarck un
individu seul et isolé du monde scientifique et du public cultivé de son époque
a considérablement borné la recherche sur la diffusion des idées de Lamarck en
France et en Europe à partir des toutes premières décennies du dix-neuvième
siècle. On a tellement cru à l'isolement de Lamarck, qu'on n'a pas vu
l'importance de plusieurs indices qui auraient pu contribuer à formuler des
reconstitutions historiques moins anachroniques et bien plus intéressantes.
Dans sa biographie de Lamarck publiée en 1909, Marcel Landrieu souleva le
premier le problème d'une évaluation de son rôle en tant que Professeur du
Muséum national d'histoire naturelle. Il souligna l'important potentiel
documentaire que constitue le registre de signatures des auditeurs qui suivirent
le cours que Lamarck donna à chaque printemps de 1794 à 1820. Après la mort de
Lamarck, le registre fut déposé dans les Archives du Muséum, où Landrieu le
retrouva au cours de sa recherche des manuscrits de Lamarck ; il est aujourd'hui
conservé aux Archives nationales.
En 1909, l'intérêt de Landrieu pour le registre suivait une logique très simple,
inscrite dans le mythe de l'isolement de Lamarck : si son oeuvre théorique avait
été condamnée au silence par Cuvier et ses alliés, il serait aussi intéressant
qu'important d'établir si, de quelle façon, et avec quels résultats il sut
profiter de la chance d'exercer une influence sur les auditeurs de son cours,
sur "la jeunesse" de son temps. Ainsi, Landrieu regretta que Lamarck ait refusé
la chaire de zoologie créée en mars 1808 à la Faculté des sciences à l'occasion
de la fondation de l'Université impériale : "Une action plus directe sur la
jeunesse eût peut-être permis au fondateur du transformisme de répandre plus
largement et sur un meilleur terrain, les idées qu'il défendait avec une si
admirable énergie pendant un quart de siècle au milieu de l'indifférence
générale" (1).
(1) M. Landrieu, Lamarck. Le fondateur du transformisme. Sa vie, son oeuvre,
Paris, 1909, p. 81.
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