contexte scientifique, philosophique et institutionnel des débats sur l'histoire
naturelle et sur ses transformations au commencement du siècle passé.
A vrai dire, la France est le pays où l'évaluation de l'influence exercée par
Lamarck sur la scène scientifique française et européenne a tardé le plus à
émerger, ceci pour des raisons que j'ai déjà évoquées dans la communication
"Célébrer Lamarck". Il y a eu bien sûr d'importantes études sur le contexte
scientifique et institutionnel de la carrière de Lamarck centrées sur Buffon, la
naissance du Muséum national d'histoire naturelle, ou les carrières de
quelques-uns de ses collègues, Cuvier en premier. Et dans les deux dernières
décennies, on a aussi assisté à la publication de monographies très innovatrices
sur Lamarck lui-même. Toutefois, l'analyse critique du mythe de l'isolement de
Lamarck, condition préliminaire pour se poser la question de la nature, de
l'identification et de la composition de son auditoire, de ses amitiés et
alliances, ou finalement de ses disciples et admirateurs, a été traitée dans des
études parues au cours des dix dernières années. Dans mon ouvrage The Age of
Lamarck (dont la première édition italienne était parue en 1983), j'ai essayé
d'étendre le domaine de la recherche historique sur Lamarck en faisant appel
aux témoignages des figures comme celles de Cyprien-Prosper Brard, Pierre Denys
de Montfort, Julien-Joseph Virey, Jean-Baptiste-Georges-Marie Bory de Saint
Vincent, Louis-Constant Prévost, Jean-Claude Delamétherie,
Charles-Nicholas-Sigisbert Sonnini de Manoncourt, Jean-Baptiste-Julien d'Omalius
d'Halloy, et celles d'autres auteurs qui avaient entretenu un dialogue soutenu
avec l'oeuvre de Lamarck et qui lui étaient souvent favorables. Goulven Laurent,
le doyen des études sur Lamarck et le lamarckisme français, a montré l'étendue
de l'influence exercée par les premiers ouvrages de Lamarck sur les géologues et
les paléontologues en particulier. Tout récemment, la dissertation discutée par
Patrick Matagne, fondée sur une admirable recherche sur les sociétés
naturalistes de la province française, a révélé d'importantes traces
significatives de la pénétration des idées de Lamarck dans les milieux
scientifiques provinciaux à partir de la fin des années 1830 (8). Compte tenu
du fait que les auditeurs français constituaient évidemment la plus grande
majorité de ceux qui suivaient le cours de Lamarck, il est évident que la
recherche sur le registre des élèves va donner des résultats tout à fait
cruciaux sur la diffusion de ses idées dans la France de la première moitié du
dix-neuvième siècle.
(8) P. Corsi, Oltre il mito. Lamarck e le scienze naturali del suo tempo,
Bologna, Il Mulino 1983, édition revue en langue anglaise, The Age of Lamarck.
Evolutionary Theories in France, 1790-1830, Berkeley, University of California
Press, 1988. G. Laurent, "Paléontologie et évolution en France de Lamarck à
Darwin", thèse de Doctorat d'État, Université de Paris I, 2 vol., 1984 ; P.
Matagne, "Les mécanismes de diffusion de l'écologie en France de la Révolution
française à la première guerre mondiale", thèse de Doctorat d'État, Université
Paris VII, 2 vol., 1994.
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