des lettres, qui nous aideraient à comprendre les motivations, les enjeux
sociaux et intellectuels, les espoirs qui amenaient ces jeunes à entreprendre
l'aventure parisienne : on devrait en bref esquisser une histoire naturelle (à
la fois sociale et culturelle) des naturalistes dans la France de la Révolution
et de l'Empire. Encore une fois, une dimension comparative pourrait permettre
d'aborder des questions de plus large portée. La permanence d'une tradition de
sociétés naturalistes provinciales, la prédominance du monde agricole sur le
monde industriel dans la France de la plus grande partie du XIXe siècle, par
exemple, incitent à s'interroger sur les rôles sociaux et politiques des
sciences naturelles dans les provinces du pays. On pourrait alors comparer la
situation française à celle de l'Angleterre, où - au delà des sociétés
agricoles, souvent dominées par le clergé et l'aristocratie - des institutions
comme The Mechanic's Institutes ou, à l'extrême opposé, les sociétés ouvrières
radicales, offraient des possibilités d'identification sociale et de promotion
culturelle plus différenciées.
Dans le dernier article que Max Vachon a consacré au registre des auditeurs du
cours de Lamarck, il annonça : "Je me propose de publier la liste de tous les
auditeurs dans les Mémoires du Muséum. Les historiens des Sciences pourront
ainsi compléter mes données et rechercher qui ils étaient, ce qu'ils sont
devenus, et, peut-être, trouver dans leurs relations des zoologistes ou des
philosophes ayant bien connu l'oeuvre de Lamarck" (18). Le fait que M. Vachon
n'ait pas publié le résultat de son travail (plusieurs cahiers étaient déjà
achevés lors de sa disparition) reflète les problèmes que l'état du registre
pose pour une édition, et pour une recherche. Si on se tient à la question
minimale d'établir le nombre d'auditeurs (sans spéculer sur les signatures
coupées, et en tenant compte d'une numérotation qui présente çà et là des
problèmes de répétition et de superposition), les chiffres que M. Vachon a
donnés dans les deux articles qu'il a écrit sur le sujet montrent des variations
significatives. Ainsi, sa contribution au volume Lamarck et son temps donne un
nombre d'auditeurs étrangers de 167, sur un total de 1.108 (plus 124 qui
suivirent le cours pendant la suppléance de Latreille, dans les années
1821-1823), tandis que l'article "Lamarck et son enseignement au Muséum" signale
la présence de 141 étrangers. Après un travail de six mois sur le registre, et
sur les transcriptions réalisées par MM. Vachon et Rousseau, j'hésite à donner
mes propres chiffres : plusieurs signatures présentent une graphie rapide et
tranchée d'une lecture très problématique, et les cas de noms légèrement
différents pour le même surnom (des frères ou des préférences pour une variante
ou l'autre de son propre nom ?) ne permette pas de s'aventurer dans des calculs
qui demeureront douteux sans des recherches plus approfondies. En outre,
quelques-unes des signatures d'auditeurs étrangers ont été mal
(18) M. Vachon, 1981, pp. 242-243.
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