Les citations que Virey prend parmi les exemples donnés par Lamarck dans les
Recherches restèrent, des années durant les seuls éléments dont disposèrent de
nombreux Européens et plus d'un Français pour connaître la pensée de Lamarck.
Les Recherches furent et demeurent un ouvrage très rare. Les lecteurs ne
pouvaient pas comprendre quelle était la part des nouvelles doctrines de Lamarck
que Virey acceptait, et encore moins ce que Lamarck disait vraiment. Pour des
raisons évidentes d'espace, nous devons arrêter ici notre exposé sur la critique
de Lamarck par Virey, et sur l'influence des Recherches sur ses propres idées.
Cet exposé est inévitablement partial. Il faut toutefois préciser que livre
après livre, article après article, Virey retourne sans cesse aux textes
lamarckiens. Enfin Virey tendait à taire le nom de Lamarck lorsqu'il était amené
à faire des commentaires désapprobateurs sur les dangereuses conséquences
religieuses qu'entraînait le label transformiste, déposé par son aîné. Il
préféra adopter des termes plus généraux comme « certaines tentatives pour
redonner naissance à l'épicurisme », ou « certains auteurs modernes ». Lorsqu'en
1815-1816, Virey fit une seconde édition du Nouveau Dictionnaire, il invita même
Lamarck à écrire plusieurs articles importants, en prenant toutefois la
précaution de leur adjoindre ses propres contributions antérieures.
Virey développe ses idées avec la fougue explosive qui caractérise toute sa
production, rendant son travail difficile à lire, et les nombreuses théories
qu'il a émises ou dont il a débattu parfois peu évidentes à cerner. Enfin, toute
sa production est marquée par sa sensibilité religieuse initiale et par sa
croyance en l'existence de principes cosmiques vitaux, agents de la volonté
divine.
Comme nous l'avons signalé au début de cet article, les travaux de Virey, en
particulier le Nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle, représentèrent un
instrument de propagation de l'information essentiel pour une grande partie des
lecteurs européens. J'aimerais conclure en signalant l'importance du travail de
Virey pour l'historien des sciences naturelles françaises du début du XIXe
siècle. Les projecteurs braqués, à juste titre, sur d'aussi éminentes figures
que celles de Cuvier, Lamarck, ou Etienne Geoffroy Saint-Hilaire ont peut-être
trop laissé d'ombre sur la variété des idées et des options théoriques ardemment
défendues par plusieurs auteurs, mineurs à nos yeux.
Une approche plus nuancée, et moins anachronique de l'étude de cette importante
période de l'histoire des sciences biologiques nous aidera à resituer le travail
des Lamarck, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire dans leur propre contexte
théorique et historique, qui ne coïncide pas toujours exactement avec celui de
nos priorités et intérêts contemporains.
Pietro Corsi
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