Ceux qui connaissent les notes de Lamarck sur la génération spontanée, situées
dans la seconde partie des Recherches de 1802, prendront intérêt à les comparer
avec le passage cité ci-dessus. Il est évident que Virey a lu avec beaucoup
d'attention ce texte fondamental de Lamarck. Cependant, d'autres passages et
emprunts frappants attendent le lecteur, s'il a la patience de suivre Virey à
travers ses élucubrations
« La nature n'a donc eu besoin que de varier un peu les diverses générations
d'une même plante, d'un même animal, pour en créer une multitude d'êtres voisins
que nous nommons espèces. Les variations les plus remarquables sont pour nous
des genres, des familles, des classes, et tout cet échafaudage de méthodes
inventées par l'esprit humain pour faciliter la connaissance des objets, mais
qui ne sont nullement l'ouvrage de la nature. Avec un seul oiseau la nature a pu
créer par des modifications successives tous les autres oiseaux... La nature n'a
produit d'abord qu'un animal, qu'un végétal très simple, qu'elle a varié à
l'infini, et compliqué par nuances jusqu'à la plus parfaite espèce » (18).
Certains autres éléments de la synthèse opérée par Virey ne furent pas empruntés
chez Lamarck ; ce dernier leur aurait d'ailleurs opposé de sérieuses objections.
Par exemple, Virey a formulé, sur le vieillissement des espèces, une théorie
claire, qui pourrait servir à expliquer l'extinction. Encore plus intéressante,
sa formulation de ce qui sera connu plus tard comme loi de la récapitulation
ontogénétique de Meckel-Serres :
« Cette chaîne admirable d'organisation dans les animaux et les plantes
s'observe de même dans la génération de chaque individu. L'embryon du
quadrupède, par exemple, dans le premier moment de la fécondation, n'est qu'une
gelée vivante fort approchante de la substance des polypes et de la glaire
organisée des zoophytes. Quelques jours après, les premiers rudiments de ses
membres le rendent semblable aux vers et aux autres animaux de cette famille.
Bientôt, il acquiert des facultés vitales analogues à celles des larves
d'insectes ou des mollusques. Il passe ensuite à un état semblable à celui d'un
poisson et il nage de même dans une liqueur. Dans les premiers moments de sa
naissance, il n'a guère que la vie lente et obscure d'un végétal, et comme lui
le jeune animal se traîne à peine sur la terre ; enfin, il monte au rang que lui
donne la nature » (19).
Je n'ai pas pu retrouver quelles sources ont inspiré cette idée à Virey. Vous
avez certainement remarqué qu'il situait le stade du reptile après la naissance,
et qu'il introduisait ensuite une comparaison avec la vie végétale : il semble
bien qu'il s'agisse d'une idée propre à Virey.
L'élargissement des concessions et des références au travail de Lamarck
n'entament en rien la croyance fondamentale de Virey en l'existence de causes
finales et en l'idée d'une intervention surnaturelle directe. Ainsi, le langage
des passages que nous avons cités, qui, à certains moments peut presque suggérer
qu'un processus spontané, auto-génèrerait l'adaptation à des changements
constants d'environnement, revient brutalement à des résonnances plus familières
:
(18) Ibidem, p. 385.
(19) Ibidem, p. 380.
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