rechercher s'il est vrai que les espèces aient une constance absolue, soient
aussi anciennes que la nature, et aient toutes existé originairement telles que
nous les observons aujourd'hui ; ou si, assujetties aux changemens de
circonstances qui ont pu avoir lieu à leur égard, quoique avec une lenteur
extrême, elles n'ont pas changé de caractère et de forme par la suite des temps
; et si, par-là, elles ne se sont pas multipliées en se diversifiant davantage.
L'éclaircissement de cette question, ai-je ajouté, n'intéresse pas seulement nos
connoissances zoologiques et botaniques, mais il est en outre essentiel pour
l'histoire de notre globe.
Pour parvenir à obtenir cet éclaircissement important, il est question de savoir
si l'opinion à peu près générale que l'on s'est formée de l'espèce et de son
origine, s'accorde ou peut s'accorder avec ce que l'observation nous apprend.
Or, comme c'est une vérité de toute évidence, que nous ne savons de positif que
ce que l'observation a pu nous faire connoître, il s'ensuit que toute opinion
qui a pris sa source ailleurs, et qui n'est pas confirmée par elle, ne sauroit
avoir de fondement solide. Il ne s'agit donc plus que d'examiner si cette même
observation s'accorde réellement avec l'opinion dont je veux parler, et s'il est
vrai qu'elle la contrarie d'une manière évidente.
Les considérations suivantes pourront répandre quelque jour sur cette question ;
et après les avoir exposées, nous consulterons ce que l'observation nous fait
connoître.
Rien assurément n'existe que par la volonté du souverain auteur de l'univers et
de la nature ; conséquemment, tous les êtres, quels qu'ils soient, lui doivent
leur existence.
De cette vérité, à laquelle l'homme seul, ici bas, a pu s'élever par sa pensée,
on a conclu que le puissant auteur de toute chose avoit créé primitivement
toutes les espèces, leur avoit donné à chacune leurs qualités, leurs facultés
propres, ainsi que les moyens de les posséder ; et de là l'opinion générale que
les espèces sont immutables, et qu'elles sont à peu près aussi anciennes que la
nature même.
Cela, sans doute, auroit pu être ainsi ; la volonté de l'Être suprême n'ayant
certainement point de borne à sa puissance. Mais, relativement aux êtres
uniquement physiques, celui qui a voulu qu'ils fussent ce qu'ils sont, a pu
faire autrement que nous n'avons d'abord pensé ; il a pu créer la matière dont
les corps, quels qu'ils soient, sont essentiellement composés ; il a pu ensuite
créer un ordre de choses constamment actif et, par suite, puissant, auquel la
matière créée seroit assujettie ; enfin, il a pu faire que l'ordre de choses
dont je viens
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