de parler, en agissant sans cesse sur la matière et la modifiant
perpétuellement, fût capable de former tous les corps qui existent, et d'amener
successivement l'existence de tous les êtres physiques que nous observons. S'il
l'a fait, ce n'en est pas moins à lui que l'existence de ces êtres physiques est
réellement dûe, quoiqu'ils soient tous effectivement la production de l'ordre de
choses qu'il a lui-même créé.
L'ordre de choses créé et constamment actif dont il est question, se composant
de mouvement inépuisable dans sa source ; de lois de différens ordres qui
régissent les mouvemens de toutes les sortes ; de temps et d'espace sans limite,
et néanmoins divisibles par portions mesurables, relativement aux actions finies
ou aux effets qui en résultent, est ce que nous nommons la nature. Nous avons eu
le sentiment de son existence, puisque nous l'avons désigné par une expression
particulière ; mais ne l'ayant pas étudié, nous n'avons attaché à cette
expression que des idées vagues, et en général, erronées. V. la 6e partie de
l'Introduction de l'Histoire naturelle des animaux sans vertèbres.
La nature, ai-je dit, constitue une puissance énorme, quoique partout assujettie
et limitée ; puissance qui fait tant de choses dont la plupart nous paroissent
admirables, inconcevables même, parce que nous ne l'avons suivie ni dans sa
marche, ni dans ses moyens ; or, cette puissance est loin d'être une
intelligence, d'avoir une intention, puisqu'elle est partout limitée, et que,
dans chaque cas particulier, elle fait nécessairement toujours de même,
c'est-à-dire que, dans chaque circonstance semblable, elle fait toujours la même
chose.
Maintenant, il s'agit de savoir si l'observation constate qu'un pareil ordre de
choses existe ; si elle montre, partout, qu'une puissance dépendante, et par-là
très-distincte de la puissance suprême, agisse réellement sur tous les êtres
physiques, sur la matière, son unique domaine, forme les corps divers, les
modifie, les change, les altère, les détruit, les renouvelle sans cesse ; et si,
toujours réglée dans ses actes par des lois immuables, elle conserve et offre,
dans l'ensemble de ses opérations, une harmonie qui indique assez la main
puissante qui la fait exister. Enfin, il faut savoir si l'observation atteste
que cette puissance fait elle-même tout ce que nous observons, et s'il est vrai
que les êtres physiques lui doivent en totalité ce qu'ils sont, ainsi que ce que
nous observons en eux.
Je l'ai dit assez dans mes ouvrages, et n'ai pas craint de me tromper : nous
n'acquérons de connoissances positives que par l'observation, et nous ne pouvons
observer que la na- [nature]
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